Série en cours

En 2022, j’ai décidé de me plonger dans les vieux albums de famille présents dans ma maison d’enfance. À mesure, que je tournais les pages et redécouvrais ces visages du passé, j’avais la sensation que les images me mentaient et ne disaient rien de mes impressions. J’ai entrepris ce travail comme une dissection, dans le but de comprendre ce que dissimulaient ces photographies qui me parvenaient avec tant d’étrangeté. 

Or, la question était bien celle-ci, que ces albums me cachaient-ils?

Que révèlent-ils de mon rapport à la famille?

Pour tenter de répondre à ces questions, je me suis penchée sur les imaginaires de ces albums que nous nous efforçons de préserver intact. Partagé entre la nécessité d’une prise de parole et un regard porté sur une autre filiation que la mienne, ce travail se construit autour de trois cercles familiaux: celui de ma meilleure amie, de mon compagnon (devenu mon ex-compagnon au cours de la série) et le mien. 
À travers les photos des albums de famille apparaissent des questions en filigrane que je tente de parcourir dans mon propre travail.

Comment parler des morts, de la rupture, du deuil alors que les images traditionnelles cherchent à y échapper?

Pourquoi ces albums ne parlent-ils jamais des déchirements?
Où se trouve la tendresse masculine? 

Comment signifier que certaines relations sont parfois plus vitales, plus amples, plus fiables que celles présentes dans notre famille de sang?

Quelles traces les disputes laissent-elles?

Que raconterait la nudité d’un corps dans un contexte où il ne peut pas l’être?
Comment parler d’une famille qui n’est pas la mienne?

De quoi héritons-nous d’une génération à une autre?
Quelles formes les non-dits prennent-ils dans une relation?
Pourquoi la famille a-t-elle une place plus centrale que l’amitié?

Tous ces questionnements occultés façonnent la manière dont nous nous relions aux autres. Cette série parle également des moments de douceur et d’union possible. Ces intervalles, où, malgré les tensions corrosives, des instants de tendresses et de fragilités apparaissent. C’est de là que la beauté, aussi bizarre qu’enveloppante, peut naître, car n’est-il pas déroutant de parvenir à s’aimer quand tout semble fondamentalement nous opposer ?