Pendant plusieurs mois successifs j’ai été confinée à l’étranger. Des mois durant lesquels j’évoluais dans un unique espace.
Mon appartement devenait le seul lieu où se déployaient l’imaginaire de mon corps et les limites de son expansion. Voyant mon quotidien se ritualiser de plus en plus, j’ai décidé d’y consacrer un travail.
Cette série de photographies s’articule autour du geste et du chez soi.
Du geste de s’abreuver, au geste d’aimer, à celui de coiffer, au geste de l’attente, liés à ceux qui sont plus étrangement singuliers et symboliques. En vieux norrois une geste signifie narration. La geste est le haut fait des choses épiques, c’est une idée que je transforme en l’appliquant à la banalité du quotidien (un jeu de mots entre la geste et le geste).
Le geste raconte la manière dont nous sommes sensiblement liés aux autres, au corps, à l’espace, aux objets etc… Il connecte le monde et les matières.
Le geste existe deux fois, dans sa forme la plus quotidienne et immédiate, puis une seconde fois à travers l’acte photographique qui le reconstruit inévitablement. J’ai joué avec ce double mouvement afin de fabriquer des mises en scènes qui interrogent notre regard sur la banalité à l’intérieur d’un récit où nos corps s’inscrivent dans une voie plus sensuelle.
Etre chez soi, c’est habiter un lieu et le faire sien. C’est avoir la possibilité d’y traîner, rêvasser, dormir mais surtout de se métamorphoser. Un endroit de suspension, entre recul et lenteur, où il est possible de s’écarter de la rudesse du monde extérieur afin de « demeurer en repos dans une chambre » (Pascale).
Il est évident que pour éprouver le désir de se lier au monde il faut avoir envie de le comprendre, ce qui suppose un élan intérieur, vital et fécond. C’est un temps où la contemplation construit une lucidité puissamment transformatrice. Afin d’entendre ce qui demeure en nous, il s’agit de comprendre ce qui fait demeure.